Vendredi, 05 décembre 2025

Chroniques

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L’Estrie vient à la rescousse de Chicoutimi

Le 14 août 2025 — Modifié à 15 h 29 min le 14 août 2025
Par Richard Banford

Si les actionnaires de la compagnie des 21 formée à Charlevoix (ils étaient en fait 27) sont aujourd’hui reconnus pour avoir les premiers défrichés et colonisés, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, les véritables Pères fondateurs de la région nous viennent de l’Estrie. C’est du moins ce que je retire d’une lecture estivale du livre de l’historien, Gaston Gagnon: « Dubuc, Le roi de la pulpe », lancée en juin dernier.

Les bûcherons de Charlevoix s’y sont installés pour couper les grands pins blancs, de plus en plus rares en Europe, et pour alimenter les scieries de Price.  Julien-Édouard-Alfred Dubuc, lui, a ouvert la région à l’industrialisation en créant la plus grande productrice de pâte mécanique au monde.

FAMILLE ET AMIS LE SUIVENT

À sa sortie du séminaire de Sherbrooke, où il a acquis ses connaissances dans le domaine commercial, il entame une carrière à la Banque Nationale. Il occupera la gérance d’une nouvelle succursale de la Banque Nationale à Chicoutimi. Avec son épouse, Anne-Marie Pallardy, il s’installe dans ce nouvel environnement du bout du monde au mois d’octobre 1892 où il occupera une place prépondérante au sein de la petite société qui compte quelques commerces et des travailleurs forestiers. C’est là que des membres de sa famille et des amis des Cantons de l’Est viendront le retrouver lorsqu’il quittera la banque pour fonder la Compagnie de pulpe de Chicoutimi. 

PORT DE BAGOTVILLE

L’influence de Julien-Édouard-Alfred Dubuc s’étend un peu partout sur la région, à La Baie, où il crée la compagnie de « chemin de fer de la baie des Ha! Ha! », jusqu’au Lac-Saint-Jean où il construira l’usine de Val-Jalbert en plus d’acquérir les droits sur les trois chutes de la rivière Péribonka. Il ne se fait pas que des amis. William Price, troisième du nom, qui possède la compagnie de pulpe de Jonquière établie en 1901 par des agriculteurs de la place, représente un farouche concurrent soutenu par son avocat L. G. Belley, membre du conseil de ville de Chicoutimi, qui lutte contre l’établissement d’un quai à Bagotville plutôt qu’à Chicoutimi comme le propose Dubuc pour éviter les coûts d’un dragage annuel du Saguenay. Plus ça change, plus c’est pareil.

LA FIN

C’est finalement un ami et associé de longue date d’Angleterre, Sir Frederick Becker, qui profitera d’une crise touchant tous les producteurs de papier du monde, dont les pays scandinaves, pour prendre le contrôle de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi et évincer J.E.A Dubuc. Plus tard, Becker déposera le bilan de toutes ses acquisitions, sauf celui de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi qu’il vendra au concurrent de toujours de Dubuc, William Price. Ce dernier, à l’occasion de la crise financière mondiale de 1929, mettra fin aux activités de la CPC et celle de Val-Jalbert. 

Qu’à cela ne tienne, Dubuc se tournera vers la politique fédérale pour poursuivre le développement de la région en siégeant à comme député du comté de Chicoutimi, englobant toutes les villes et villages du Saguenay. 

Cette étonnante épopée racontée avec force et détails par l’historien chicoutimien, Gaston Gagnon, devrait servir de livre de chevet, pour nous rappeler que la prospérité d’une région vient souvent d’ailleurs.
 

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