Décryptage – Près de six mois après la chute du régime de Bachar Al-Assad, la Syrie réalise encore l’effet insoupçonné du soulèvement populaire qui devait s’avérer infructueux comme tous les autres. Or, le 8 décembre 2024 a mis fin à plus de 60 ans de règne du parti Baas. Rien d’étonnant qu’il faille du temps pour se réorganiser après la dictature et le chaos des années de guerre civile.
UN CABINET DE TRANSITION
Ahmed Al-Charaa, qui dirige le gouvernement de transition, a autrefois été impliqué dans les organisations terroristes Al-Qaïda et État islamique avant de fonder le groupe rebelle qui s’est emparé d’une région du nord de la Syrie et, plus tard, de la capitale, Damas.
Comme une main tendue au renouveau, il a nommé l’avocate Hind Kabawat au poste de ministre des Affaires sociales et du Travail. La seule femme et la seule chrétienne du cabinet entretient aussi des liens étroits avec le Canada, car elle a vécu et travaillé à Toronto.
Dans une lettre ouverte publiée dans le National Post en 2012, celle qui critiquait Bachar Al-Assad se décrivait comme «libérale et progressiste». Elle doit néanmoins collaborer au sein du conseil des ministres avec des acteurs au passé controversé et issus de mouvements islamistes, une idéologie à l'antithèse de ce qu’elle incarne.
LA LEVÉE DES SANCTIONS
Lors d’une visite officielle au Moyen-Orient, il y a deux semaines, le président américain Donald Trump a annoncé la levée des sanctions économiques qui pesaient contre la Syrie dans le but d'appauvrir le régime dirigé d’une main de fer par Assad. Ce dernier ayant été renversé, le répit que la fin des sanctions apportera à l’économie syrienne donnera une chance à la transition de s’exécuter et au peuple de reprendre son souffle.
Donald Trump a également profité de son passage à Riyad pour rencontrer le nouveau président intérimaire. Le soutien diplomatique des alliés occidentaux sera nécessaire pour offrir un cadre à la libéralisation tant rêvée de la Syrie.
UNE QUÊTE DE LIBERTÉ
S’il faudra aiguiser notre patience et modérer nos attentes, le message d’ouverture et la reprise des canaux diplomatiques avec le gouvernement de transition sont bienvenus, d’autant qu’ils permettront d’acheminer l’aide nécessaire à une population endeuillée après 13 années de guerre civile. Le retour des réfugiés syriens exilés et la modernisation des infrastructures de base seront des défis logistiques auxquels la communauté internationale pourra contribuer.
Il est possible que la démocratie, dans sa définition occidentale, ne parvienne pas à s’implanter en Syrie dans les prochaines années. Par contre, il est permis d’espérer qu’une libéralisation s’opère dans ce pays où les droits et libertés des citoyens ont été si largement bafoués sous la dictature. Des affrontements avaient repris dans l'ouest de la Syrie en mars, preuve d’un apaisement fragile des tensions et d’une stabilité en pleine construction. N’oublions guère que ce pays n’en est qu’à son premier siècle d’indépendance, proclamée en 1946...