Dans la poursuite pour trois constats d’infraction déposée par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) contre la mairesse, Julie Dufour, on ne peut miser trop rapidement sur son acquittement. Même si une décision de la poursuite (DGEQ) semble mettre le Tribunal dans l’embarras, la crédibilité des versions demeure toujours importante aux yeux de la Cour.
Si, comme le précisait récemment le criminaliste Jean-Marc Fradette à Radio-Canada, les déclarations sous serment (affidavits) de la mairesse ont été déposées en preuve pour valoir témoignage et que ce sont les avocates de la poursuite qui les ont déposées en preuve, elles se seraient donc privées du droit au contre-interrogatoire de la mairesse, rendant discutable la stratégie adoptée.
Or, dans ces deux déclarations sous serment déposées, Julie Dufour dément toutes les allégations des témoins de la poursuite. Elle nie en bloc les affirmations de l’ex-ministre libéral Serge Simard, celles du conseiller municipal Jean-Marc Crevier, et celles de la neurocoach (et ex-candidate à la mairie) Jacinthe Vaillancourt.
Le juge se trouverait donc devant des versions contradictoires. Or, un arrêt de la Cour suprême du Canada, l’arrêt W de 1991, stipule que devant un tel cas, on doit acquitter l’accusée.
QUESTION DE CRÉDIBILITÉ
Cependant, cette situation pour le moins singulière ne repose pas que sur une jurisprudence. Comme le répétait récemment l’avocat Fradette, la poursuite aurait elle-même déposé le témoignage écrit de la mairesse et ne pourrait donc pas contre-interroger la mairesse pour tenter de miner sa crédibilité. N’en demeure pas moins que le juge a le devoir d’apprécier la crédibilité des deux versions déposées devant lui. Le témoignage écrit, s’il en est, ne permet pas d’apprécier la crédibilité.
Malgré cette sortie inopinée de l’avocat observateur, il faut se rappeler que le juge, seul, en décide des conclusions. Dans le domaine de la justice, rien n’est tout à fait noir ou blanc, ce qui rend la tâche des magistrats beaucoup plus complexe qu’elle en a l’air.
DÉCLARATION CONTRADICTOIRE
En parcourant les quelque 20 pages des deux déclarations sous serment de la mairesse de Saguenay, on y découvre une personne qui se livre, autant sur ses problèmes personnels que sur sa lutte dans les coulisses du pouvoir. Elle identifie ce qu’elle conçoit comme de fausses allégations de la part de deux hommes et d’une trahison de la part de sa neurocoach, Mme Vaillancourt. D’entrée de jeu, Julie Dufour s’en prend à l’ex-mairesse, Josée Néron, la première à déposer une plainte contre elle. Elle rappelle que Mme Néron avait déclaré qu’elle se représenterait en 2026.
Elle relate le congédiement du dg de la STS, Jean-Luc Roberge, celui de la greffière, Me Caroline Dion, et évoque l'éviction du conseiller, Michel Tremblay, du comité exécutif de la Ville.
Quelle que soit la décision du tribunal, personne n’en sortira gagnant. Dans l’esprit des contribuables, cette saga judiciaire, qui s’ajoute à celle de la greffière et du dg de la STS, laissera de profondes cicatrices au sein de ce conseil de Ville.