La décision de Rio Tinto d’investir massivement au Complexe Jonquière pour produire de l’aluminium avec le nouveau procédé Élysis ne surprend pas l’économiste Marc-Urbain Proulx. Mais à long terme, l’arrivée de nouvelles technologies aura un impact négatif important à son avis sur le niveau d’emplois dans l’industrie.
Rappelons que la multinationale a annoncé récemment qu’elle injectera 235 M$ pour fabriquer jusqu’à 2 500 tonnes d’aluminium sans émission de carbone par année à partir de 2027.
Dans sa première sortie publique sur l’industrie régionale de l’aluminium depuis deux ans, le professeur en économie régionale de l’UQAC rappelle que l’entreprise évolue dans un contexte mondial.
« La compagnie est obligée d’être plus productive si elle veut rester compétitive. Elle doit suivre les Émirats arabes unis, la Chine et la Russie qui ont des alumineries de plus en plus performantes. Dans ces pays-là, comme c’est le cas chez nous, ses concurrents sont largement subventionnés par l’État. »
À long terme, le procédé de fabrication Élysis sera étendu à toutes les alumineries de la région selon lui. Sans compter d’autres composantes qui entrent dans la production d’aluminium primaire qui vont également avancer au niveau technologique.
Robotisation et intelligence artificielle
« La robotisation a commencé dans les usines depuis quelques décennies. Elle continue avec le numérique et aussi, avec de plus en plus d’intelligence artificielle. Il n’y aura pas de création d’emplois avec Élysis et les autres technologies, mais plutôt des diminutions. »
L’économiste rappelle qu’il y avait environ 13 000 emplois dans l’industrie de l’aluminium après la guerre grâce à des investissements massifs. Un nombre qui a chuté aujourd’hui autour de 3500. Cette tendance va se poursuivre et même s’accélérer selon Marc-Urbain Proulx.
« On pense que ce sera plus rapide parce que les technologies sont de plus en plus efficaces. D’ici 10 à 15 ans, on va perdre encore beaucoup d’emplois dans le secteur de l’aluminium. On va continuer à perdre des emplois, tout en produisant autant sinon plus d’aluminium. »
En 1946, une seule usine arrivait à produire 425 000 tonnes d’aluminium, souligne le professeur en économie. Les quatre alumineries actuelles produisent maintenant environ un million 300 000 tonnes par année de métal gris.
« On a triplé la production depuis 4 ou 5 décennies avec l’usine de La Baie et on a réduit les emplois de deux tiers. C’est ça la réalité. On a triplé la production et réduit les emplois de deux tiers. Et ça va continuer. »
Et même s’il convient qu’anticiper le futur est toujours difficile, Marc-Urbain Proulx n’est pas optimiste.
« On parle probablement d’un quart à un tiers des emplois qui restent, mais je pense que c’est très conservateur. C’est probablement la moitié qu’on va perdre encore. La tendance est très claire. Il y a de moins en moins de postes de travail et de plus en plus de technologie. »