Vendredi, 26 avril 2024

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Saguenay, une ville dans le rouge

Le 16 novembre 2022 — Modifié à 14 h 33 min le 16 novembre 2022
Par Mélyna Girard

Chronique

Êtes-vous du genre dépensier ou économe? Cigale ou fourmi? Moi, économe. Mon habitude remonte à l’enfance. À l’école primaire, on avait institué une caisse scolaire. Chaque semaine, en classe, il fallait remplir un bordereau sur lequel on inscrivait notre dépôt du jour : 25, 50 cents ou 1 dollar. Donc, hebdomadairement, je voyais le montant total de mon « patrimoine » augmenter. Je me disais qu’à la fin de l’année, mon pécule me permettrait d’acheter de nouveaux patins, un gant de baseball, un camion Tonka ou le nouveau disque de K-Tel.

J’ai toujours été allergique au crédit. Je n’y ai eu recours qu’une fois pour un prêt automobile, et bien sûr, pour une hypothèque. Mon père m’a appris qu’il fallait toujours vivre selon ses moyens, en payant comptant, plutôt que s’embourber dans les dettes et les frais d’intérêts.

Bien entendu, il est irréaliste de penser transposer ce principe aux finances publiques. Quoiqu’il n’y a pas si longtemps, la dette du Canada était pratiquement à zéro avant que Trudeau père ne la propulse dans la stratosphère… Les conservateurs l’ont stabilisé et même diminué, avant que Trudeau fils ne la double. Faut croire que c’est de famille.

Bref, aux niveaux fédéral, provincial et municipal, il est facile de perdre le contrôle des finances publiques. À Saguenay, la dette accumulée dépasse aujourd’hui le demi-milliard de dollars. C’est un glissement très, très dangereux. La ville est dans le rouge… Et à la croisée des chemins.

« C’est très inquiétant », me confirme Vincent Morin, directeur du département des sciences économiques et administratives de l’UQAC. « On a été trop lent à réagir. Si on regarde un des indicateurs, l’indice d’endettement per capita, Saguenay est passée, en quelques années seulement, à une ville ayant l’une des meilleures santés financières à l’une des pires… »

Et d’après lui les lendemains seront durs. « Avec le contexte actuel d’inflation et les taux d’intérêt qui montent, ça risque fort de freiner les investissements ».

La mairesse de Saguenay Julie Dufour a déclaré, il y a quelques jours, que la Ville souffre d’un manque de vision depuis 20 ans. Elle a pourtant fait partie du conseil municipal durant la moitié de cette période. Est-ce à dire que les conseillers n’ont absolument aucun pouvoir décisionnel? Si c’est le cas, dites-le-nous tout de suite, on va arrêter de les payer 50 000 dollars par année pour rien.

À titre de comparaison, la dette de la ville la plus similaire à Saguenay en termes de population, Trois-Rivières, se situe à 250 millions. Deux fois moins. Croyez-vous que les citoyens là-bas se sont privés de services et de projets? Avez-vous vu leur nouvel aréna, le Colisée Vidéotron? Superbe. Leur salle de spectacle J-Antonio Tompson et leur Amphithéâtre Cogeco? Sublimes.

À l’époque où j’étais jeune journaliste dans le secteur d’Alma, au début des années ’90, le maire Jean-Maurice Harvey a décidé de régler un à un les emprunts de la ville et de payer, dans la mesure du possible, les futurs projets « cash ». Privés les Almatois? Dans la région, c’est là où se trouve le plus beau complexe sportif intégré. Dette actuelle d’Alma? 27 millions.

On peut bien reprocher le style oligarchique de Jean Tremblay, mais force est de constater qu’il a laissé une ville en santé, avec une dette de 380 millions, surtout justifiée par une série d’investissements visibles : Palais des Sports, quai de croisière, Place du Citoyen, Pont Arnaud-Chute Garneau, biblios de Jonquière et d’Arvida, centre-ville de Kéno.

Il serait maintenant vraiment intéressant de connaitre la stratégie de l’argentier Michel Potvin et surtout la fameuse vision de Julie Dufour. Après tout, elle a été élue pour sa vision future et non pour le jugement qu’elle porte sur la vision passée. Parce que jusqu’à aujourd’hui, il n’y a rien de convaincant. Avez-vous entendu de sa part, outre des principes généraux et des vœux pieux, les détails d’un plan bien défini de projets réalistes?

Un coup de barre s’impose, notamment pour éviter de crouler dans quelques années sous une dette d’un milliard.

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