Chroniques

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Les agriculteurs se font niaiser

Le 04 avril 2024 — Modifié à 11 h 41 min le 04 avril 2024
Par Richard Banford

Pourquoi ai-je l’impression que les agriculteurs (trices) ne semblent pas pris au sérieux alors qu’ils et elles traversent l’une des pires crises économiques depuis 1938 ? Bien sûr, on a daigné lever les yeux mercredi dernier sur quelques-unes de leurs revendications, quand ils se sont présentés en cortège de machines agricoles à Alma, mais on n’a pas vu de ténors politiques prendre la parole pour les rassurer.

Pire, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a nié que le Québec traverse une crise dans le domaine agricole. Le lendemain, en Montérégie, au sortir de son bureau de circonscription, devant une agricultrice en colère, le premier ministre François Legault, contredisait son ministre en confirmant que l’agriculture vit actuellement une crise au Québec. Le monde agricole se fait-il niaiser ?

50 % moins de revenus

Selon des données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, le revenu net des travailleurs du monde agricole aurait chuté de près de 50 % en 2023. On prévoit que la baisse atteindra 86,5 % en 2024.

L’un des participants à la manifestation de la semaine dernière à Alma imageait la situation des travailleurs et travailleuses agricoles comme suit : « Est-ce que vous connaissez des gens qui travaillent sept jours sur sept sans gagner un sou ? » C’est pourtant ce que vivent les fermiers et fermières présentement.

Avec les derniers mois difficiles où la météo et l’inflation grugeaient les derniers espoirs des entreprises agricoles, les exploitants attendaient des deux paliers de gouvernement une intervention directe. On espérait que le dernier budget du Québec ajoute à tout le moins une bonification des programmes d’aide. Pas un mot dans ce budget déficitaire sur la situation précaire de l’agriculture au Québec.

Le consommateur paiera

Le président de l’Union des producteurs agricoles de la région, Mario Théberge, confiait à la radio du 92,5 récemment que le gouvernement doit se reconnecter sur la réalité du domaine agricole au Québec. Il ajoutait que si rien n’est fait, le visage de nos campagnes deviendrait méconnaissable.

Une semaine après avoir lancé ce message, les réactions se font rares. On a l’impression que les revendications du monde agricole ne sont pas prises au sérieux. Le consommateur, qui sera inévitablement touché, jette un oeil désintéressé en attendant que cette crise affecte son portefeuille. Comme si l’agriculture était un problème parmi tant d’autres. Pourtant, il s’agit d’un enjeu national, un combat constant pour notre indépendance et notre sécurité alimentaire. Une tranche de notre économie souvent oubliée dans le calcul de notre prospérité.

Agriculteurs excédés

Juste dans notre région, on compte pas moins de 1 200 entreprises agricoles, la plupart familiales, générant des revenus d’au-delà de 400 M $ et procurant des biens essentiels à notre population. Mais dans ce contexte d’indifférence populaire et de désengagement politique, la relève tarde à s’installer.

Qui voudrait investir temps et argent dans un secteur de l’économie où on prédit des perspectives de décroissance d’une ampleur telle que décrite par les experts d’Agriculture et Agroalimentaire du Canada ?

Devant le premier ministre Legault, à Henryville, des manifestants tenaient une affiche sur laquelle on pouvait lire : ‘’L’agriculture, enfant, on y rêve, mais adulte, on en crève’’.

Le ministre, André Lamontagne, n’a pas semblé comprendre tout ce qui se cache sous la manifestation d’Alma, mais son patron, François Legault en a pris conscience le lendemain. Heureusement parce que l’agriculture au Québec comme pour le reste du monde frôle le point de rupture.

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