Chroniques

Temps de lecture : 2 min 33 s

La saga du stationnement : meilleure que Netflix

Le 30 novembre 2022 — Modifié à 14 h 59 min le 30 novembre 2022
Par Mélyna Girard

La saga du stationnement : meilleure que Netflix

Chronique

Vous êtes friands de bonnes intrigues? D’histoires fertiles en rebondissements, conflits, trahisons, émotions? Désabonnez-vous de Netflix, il y a de bien meilleures sagas ici, sous vos yeux...

Il était une fois le CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Son projet est colossal ou, pour employer un terme à la mode, pharaonique. Mais nécessaire. Un nouveau bloc opératoire qui coûtera 500 millions. Un demi-milliard de dollars.

Or, comme il s’agit d’un agrandissement majeur du côté est, il faudra réaménager complètement le stationnement, en augmentant aussi le nombre de places, ce qui coûtera un 35 millions supplémentaire. Ajouter 630 espaces, ça veut dire construire des étages. Un peu trop d’étages au goût des résidents sur Jacques-Cartier, qui craignent de perdre leur belle vue sur le Saguenay et sur les monts Valin.

S’ensuit un formidable imbroglio administratif, juridique et politique qui durera tout l’automne. Un feuilleton meilleur qu’une série sur votre plateforme préférée d’écoute en ligne.

La ville doit d’abord changer son règlement de zonage, mais, alertés, les citoyens qui s’opposent au projet de stationnement y vont d’une demande d’avis de non-conformité dudit règlement, ce qui provoque l’intervention de la Commission municipale du Québec. La CMQ tranche, le règlement visant à zoner le belvédère Jacques-Cartier va à l’encontre du plan d’urbanisme de la municipalité.

Dépités, les représentants du CIUSSS décident d’abandonner le projet sur lequel ils planchaient depuis des années. De drôles de solutions alternatives émergent, comme l’utilisation de navettes à partir du Centre Georges-Vézina. Vous vous voyez, avec une blessure, ou avec un enfant malade, à 2 heures du matin, vous stationner au Centre Georges, forcés de prendre un minibus pour aller à l’hôpital?

Mais la ville contre-attaque. Elle argue que le CIUSSS peut aller de l’avant malgré le jugement de la CMQ, en invoquant la loi 66, qui permet exceptionnellement d’accélérer la construction d’infrastructures. La ministre Laforest est d’accord, ce qui la place dans la curieuse position d’aller à l’encontre d’une décision de la Commission qui relève pourtant de son propre ministère.

Vous suivez jusque là? Meilleur que Netflix je vous dis.

Le feuilleton se poursuit avec l’épisode mettant en vedette tous les conseillers de Chicoutimi se donnant rendez-vous en face de l’hôpital, pour une sortie publique en faveur du projet, tenant chacun bien haut une photo de la maquette du futur stationnement, sur laquelle on distingue parfaitement la rivière et les montagnes.

Tous les conseillers de Chicoutimi? Non!

Mireille Jean, qui d’ordinaire n’a pas la langue dans sa poche, brillait par son absence, n’étant manifestement pas solidaire de ses collègues sur ce coup-là. Depuis c’est silence radio. Un signe d’impuissance? Pratiquer la politique de la chaise vide est rarement une stratégie payante. Les absents ont toujours tort. Dommage, car Mme Jean possède des qualités et des connaissances hors du commun (elle est diplômée en architecture et siège sur le comité d’urbanisme) qui auraient pu servir.

Les mois passent et les retards s’accumulent. Le CIUSSS devait enclencher le projet en septembre dernier, mais depuis rien n’avance.

Pour la ministre Laforest, c’en est trop. Elle convoque lundi dernier toutes les personnes impliquées et après une petite heure et demie, il est convenu que la ville présente une autre modification de son règlement d’urbanisme, cette fois proposant un stationnement de deux étages, le premier souterrain. Apparemment son acceptation légale n’est qu’une formalité.

Tout ça pour ça?

Pour clore le feuilleton avec humour, une déclaration savoureuse de la mairesse Dufour à l’issue de la rencontre de lundi : « Ce qu’on comprend, et là vous comprendrez que même si nous avons tous des contentieux, le ministère a des fois plus d’experts en droit… » Hein? Ça donne l’impression que soit elle abdique son pouvoir, soit elle vient de donner toute une gifle à ses avocats…

Bon, je vous laisse, j’envoie l’histoire à Netflix.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES