Chronique
Il y a de ces moments où l’on se rend compte que les choses ont atteint un point de non-retour. Un point de bascule. Qu’un retour en arrière est impossible.
Prenez le mouvement « MeToo ». Il y a quelques années, les dénonciations publiques des victimes d’abus physiques et sexuels se sont soldées par l’arrestation ou la mise au rancart de plusieurs abuseurs. Certains, qui se trouvaient depuis des années au sommet, ont été déboulonnés de leur piédestal. Rozon, Cloutier, Aubut, Boisclair, Salvail, Bond, sont aujourd’hui marqués au fer rouge. Dans plusieurs milieux, ils sont devenus toxiques, des parias. C’est le prix à payer lorsque, convaincus d’être au-dessus de tout, on se permet impunément de dépasser la limite du respect des autres.
Personnellement, bien que sympathique à la cause de ces femmes et de ces hommes victimes de prédateurs, je suis à l’inverse plutôt mal à l’aise avec la méthode de dénonciation utilisée. Accuser et dénoncer publiquement une personne via un média social, la clouer au pilori sans procès, à sens unique, est tout sauf impartial. Pour paraphraser Bernard Landry, audi alteram partem, l’autre partie doit être entendue. Mieux vaut toujours utiliser la voie légale, même si c’est long et compliqué. Sinon, on crée un système de justice parallèle, une espèce de nouveau tribunal populaire. C’est dangereux et malsain.
Quoiqu’il en soit, le résultat est là ; « MeToo » aura provoqué un électro-choc, aura secoué les colonnes du temple, et changé la culture.
Or l’heure est venue de crever l’abcès qui gangrène depuis trop longtemps le hockey junior et d’amorcer là aussi un changement de culture. J’ai jadis évolué au sein de la Ligue de hockey midget Sag-Lac au début des années ’80. Heureusement, dans notre équipe, tout était clean. Pas d’initiation dégradante. Je ne saurais dire pour les autres formations. Malheureusement, ce ne fut pas la même chose dans la Ligue junior régionale de baseball à la même époque, où j’évoluais comme voltigeur. Les séances de « bienvenue » pour les nouveaux joueurs étaient des initiations de bas étage. Ce n’était pas chic. Ça frôlait l’abus, au vu et au su des dirigeants.
Malheureusement, les témoignages entendus au cours des dernières semaines de la part d’ex-joueurs de hockey junior majeur sont bien pires. Je vous fais grâce des détails, parce qu’ils sont épouvantables. Si vous n’en avez pas pris connaissance, référez-vous aux articles du journaliste Martin Leclerc.
Et les Saguenéens ne font pas exception. Les bleus sont même sous enquête, après des allégations de gestes à caractère sexuel et d’abus physiques et psychologiques dénoncés par un joueur de l’édition 1994-1995. Il n’est peut-être pas le seul. Heureusement, le président des Sags, Richard Létourneau prend la chose très au sérieux et invite d’autres éventuelles victimes à se manifester.
Parfois, la vérité fait mal et les témoignages sont choquants. Pourtant, il faut les entendre.
Crever un abcès, ce n’est pas agréable. C’est douloureux, rebutant, irritant, répugnant et parfois intolérable, mais c’est ce qu’il faut faire.