Chroniques

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Avenir économique de la région; entre inquiétude et espoir

Le 25 mai 2023 — Modifié à 08 h 34 min le 25 mai 2023
Par Mélyna Girard

Lettre ouverte

À titre de président de Développement économique 02 (DE02) j’interpelle formellement les élus, les décideurs, les entrepreneurs et surtout la population de la région. Je me permets de vous partager mes inquiétudes et espoirs concernant la vitalité future de l’économie du Saguenay–Lac-Saint-Jean, notamment pour nos locomotives régionales que sont l’aluminium et la forêt.

Commençons par les principaux nuages qui plombent le ciel de notre région. Les événements et actualités qui ont émaillé notre vie quotidienne des derniers mois concernant l’avenir de l’industrie de l’aluminium me font redouter une baisse notable de la création de richesse de ce secteur d’activité au cours des prochaines années.

Il m’apparaît clair qu’avec les changements technologiques incontournables qui sont en cours, le nombre d’emplois que génère cette filière est appelé à diminuer considérablement. Pensons au remplacement prochain des installations des cuves précuites par celle d’AP60, qui nécessitent beaucoup moins de travailleurs pour la production d’aluminium.

Sans oublier la décarbonation, plus que nécessaire de cette industrie, qui va passer par la mise en service de la technologie du consortium Elysis, probablement d’ici la fin de la présente décennie. À la lumière de ce qu’on a appris récemment, les nouvelles anodes sans émission de CO2 ne pourront vraisemblablement pas être installées dans nos vieilles usines. Pas besoin d’être un devin pour conclure que ces changements vont provoquer une importante diminution des ressources humaines de l’industrie, notamment celles liées à la production d’anodes de carbone au Complexe Jonquière. L’effet se fera également sentir chez les fournisseurs et les sous-traitants de l’entreprise.

Bien entendu, on peut se réjouir de ces investissements et percées technologiques qui sont en cours et font de la filière de l’aluminium de première coulée de notre région, un des leaders de ce domaine à l’échelle de la planète. Toutefois, une constatation s’impose : nous sommes actuellement dans une position de déséquilibre important relativement aux bénéfices économiques mutuels entre le Saguenay–Lac-Saint-Jean et Rio Tinto.

Soyons clairs, la différence entre les avantages hydriques consentis à la multinationale dans le Bail de la Péribonka et le nombre d’emplois offerts par l’entreprise qui est en constante diminution, illustre le profond écart qui s’est progressivement creusé. C’est évidemment un dossier très complexe. L’idée n’est pas de blâmer qui que ce soit de la situation, mais plutôt de chercher à rétablir l’équilibre.

Pour ce faire, il faudrait que le milieu ait le courage d’exiger, dès l’annonce officielle des 96 cuves AP60 par Rio Tinto, que la multinationale se lance sans délai dans le développement d’une autre phase de mise en place de cette technologie. Par ailleurs, il serait aussi impératif que nous exigions que l’usine de production commerciale des anodes de la co-entreprise Elysis soit construite chez nous.

En ce qui concerne notre richesse forestière, beaucoup de choses ont été dites sur une filière mal connue et mal-aimée dans certains milieux. Nous sommes d’ailleurs intervenus à de nombreuses reprises pour sensibiliser les deux paliers de gouvernement aux solutions que nous préconisons pour pérenniser cette ressource et protéger le caribou forestier, tout en préservant l’intégrité économique de nos communautés.

Jusqu’à maintenant, j’estime que nous n’avons pas eu suffisamment d’écoute des décideurs politiques et de leur entourage. Je crois fermement qu’il est possible de protéger l’espèce et la biodiversité tout en protégeant et en préservant les communautés forestières et les emplois. Il faut défendre les communautés de notre territoire afin de limiter les fermetures d’usines qui entraineraient la perte de milliers d’emplois. Pour certaines municipalités, une faible diminution de volumes de coupe représente un risque énorme de dévitalisation. Il faut maintenir l’accessibilité à la matière ligneuse par la mise en place de stratégies régionales de protection du caribou forestier, l’aménagement dynamique de nos forêts, mais surtout, la concertation entre toutes les parties pour trouver des solutions gagnantes.

Parlons de mes espoirs maintenant, particulièrement de ceux liés à la concertation régionale. J’ai accompagné, il y a quelques jours, mes collègues de la Conférence régionale des préfets qui ont demandé et obtenu une rencontre en privé avec le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, M. Pierre Fitzgibbon. Celui-ci était accompagné de ses cinq collègues députés de la région. Au cours de cette rencontre, outre d’aluminium et de forêt, nous avons discuté d’enjeux communs à toutes nos MRC, dont l’importance du développement de notre port régional et de sa Zone industrialo-portuaire.

Mais nous avons également insisté sur le prolongement du réseau de gaz naturel, notamment vers le nord du Lac-Saint-Jean, et sur l’essentielle optimisation du réseau ferroviaire régional. Je considère d’ailleurs que ces deux derniers enjeux possèdent le très important potentiel de permettre au Saguenay–Lac-Saint-Jean de diversifier durablement son économie. Il s’agissait d’une première et surtout d’un grand pas en avant pour notre région. Et j’espère que nous reviendrons rapidement et fermement à la charge pour interpeller d’une même voix le gouvernement du Québec sur les enjeux et projets du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Dans ce contexte de concertation et de solidarité régionale, fragile, mais prometteuse, je souhaite aussi ardemment que mes collègues élus de nos villes, de nos municipalités et de nos MRC, travaillent de concert avec nos cinq députés régionaux pour propulser notre région vers un horizon économique 2.0. C’est une invitation!

Yanick Baillargeon, président Développement économique 02

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