Chroniques

Temps de lecture : 3 min 6 s

Les dangers qui nous guettent

Alexandra Gilbert
Le 08 août 2023 — Modifié à 15 h 20 min le 08 août 2023
Par Alexandra Gilbert - Directrice numérique

Jasette de la gazette

C’est maintenant chose faite. Meta, la maison-mère de Facebook et Instagram, a donné suite à sa menace en instaurant un blocage des contenus d’information canadiens sur ses plateformes. Auparavant, vous aviez à l’occasion une nouvelle d’intérêt public dans votre fil d’actualités Facebook entre une vidéo de chat, une « stories » de jeunes femmes qui se trémoussent pour

gagner des « likes », un contenu « clickbait » et une publicité à propos d’un produit dont vous avez peut-être parlé à haute voix à proximité de votre téléphone (j’exagère, bien que…)

On en vient là parce qu’une multinationale refuse de se soumettre à une loi que le Parlement du Canada, par ailleurs dûment élu et souverain sur son territoire, projette d’adopter. Le projet de loi dont il est question, C-18, a été essentiellement présenté comme une affaire de partage de revenus. On forcerait les Facebook et Google de ce monde à conclure des ententes de partage de revenus pour la diffusion de contenus d’information produits à grands frais par les entreprises médiatiques.

Et la Loi est claire, elle stipule que le tout s’applique lorsqu’il y a un déséquilibre important de négociation entre l’exploitant (par exemple Facebook) et l’entreprise de nouvelle. De toute évidence, les géants du web n’ont que faire des entreprises de presse canadienne. Ceci dit, il est tout à fait exact que ce sont les médias qui font le choix d’y publier leur contenu. Il est tout aussi vrai qu’ils le font en sachant qu’il s’agit d’une façon efficace de rejoindre un public et de faire voyager l’information.

En ce sens, il serait facile de conclure que Meta ou Google ont raison. Le véritable enjeu, c’est que l’on fait face à des géants technologiques qui exercent un pouvoir et une influence extraordinaires dans nos vies. Ils génèrent des revenus faramineux via la publicité en ligne, poussent les contenus qu’ils veulent bien pousser, obtiennent des données de toutes sortes sur qui vous êtes, vos intérêts et vos habitudes et ont des impacts nocifs assez bien documentés chez les jeunes qui en sont de grands utilisateurs, particulièrement les jeunes filles.

Nous sommes collectivement face à ce que l’on pourrait essentiellement qualifier de monopole dont les tentacules sont planétaires. Et lorsque quelque chose ne fait pas leur affaire, comme on le voit dans le cas canadien, ces géants technologiques décident que les lois démocratiquement adoptées dans un État souverain ne sont pas pour eux. En y réfléchissant bien, peut-on vraiment

éviter d’avoir recours à ces plateformes dans nos vies ? La réponse est sans doute « oui, mais ». C’est possible de n’être sur aucun réseau social, c’est peut-être même possible de ne jamais avoir recours à Google. Mais est-ce réaliste dans le monde d’aujourd’hui ?

Je peux bien décider que l’automobile n’est pas pour moi et que je ne voyagerai qu’à vélo ou à la marche, mais je vais trouver le temps long lorsque je devrai aller quérir un service de santé à Québec. La société a tout simplement été construite autour de l’utilisation de l’automobile. Il en va de même pour la vie et l’économie modernes face à l’internet. Si tout ceci devrait être une évidence, il n’en va pas pour autant de soi. Les médias, pour toutes sortes de raisons, certaines sans doute justifiées et d’autres non, n’ont plus une très bonne réputation auprès d’une part tout de même appréciable de la population. Cela rend le projet de loi C-18 suspect aux yeux de plusieurs.

Pourtant, le journalisme de base, celui qui se contente de relater des faits, de soulever des contradictions dans l’appareil gouvernemental ou municipal et de tout simplement informer les citoyens sur ce qui se passe chez eux, a historiquement été un pilier de la démocratie. Une démocratie qui s’effrite de différentes façons un peu partout en occident. La désinformation a fait des pas de géant ces dernières années, entre autres grâce à des plateformes comme Facebook qui ont permis à ce type de discours de rejoindre un plus large public.

Cependant, bien peu d’efforts ont été mis pour bloquer la désinformation. À les voir aller avec les contenus d’information canadiens, ça ne semble pourtant pas être si difficile de fermer le robinet.

Règle générale, le passé est garant de l’avenir. Et ici, le comportement des géants de la techno devrait être une leçon en soi sur les dangers qui nous guettent.

Chaque semaine, un membre de l’équipe de Trium Médias prend parole sur un sujet de son choix, c’est La Jasette de la gazette.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES