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Questions et réponses avec… Jeanne Blackburn

Le 03 juin 2022 — Modifié à 16 h 07 min le 03 juin 2022
Par Julien B. Gauthier

Dans chaque édition du Réveil, nous vous proposons une entrevue avec une personnalité. L’idée est d’aller un peu plus loin de ce que l’on connaît de l’image de la personne. Cette semaine, Jeanne Blackburn, ancienne ministre et députée de Chicoutimi de 1985 à 1998.

Vous êtes la première femme députée de Chicoutimi et la deuxième femme de l’histoire de la région à un tel poste. Vous êtes arrivée en politique alors que le milieu était en vaste majorité masculin. Comment avez-vous vécu cette période?

Quand je suis entrée à l’Assemblée nationale, nous n’étions que 20 députées sur 122 au total. J’ai d’excellents souvenirs de M. Parizeau, qui traitait hommes et femmes avec égalité et avec grand respect. Mais il y avait, même du côté des collègues, des personnes qui ne nous respectaient pas.

Des farces sexistes, des commentaires… Si on s’exprimait trop fort, on passait pour des hystériques. Est-ce que c’est moins pire aujourd’hui? Je pense que oui, parce qu’ils n’oseraient plus.

Peut-être que ça s’est amélioré, mais il y a une mise en garde. Rien n’est acquis. La société est machiste. Ça ne se change pas d’orientation, ni en une décennie ni en un siècle. C’est quelque chose dont il faut toujours rester vigilant, et ne pas s’endormir au volant.

Vous avez été ministre de la Condition féminine et de la Sécurité du revenu sous le gouvernement de Jacques Parizeau. Quels dossiers avez-vous pu mettre de l’avant?

Lorsque j’ai été nommée ministre en 1994, j’ai hérité des deux pauvretés. Les femmes avaient un revenu inférieur aux hommes.

J’ai donc mis en place un projet de loi sur la perception automatique des pensions alimentaires, qui a permis à l’État d’aller chercher les pensions alimentaires. Très souvent, les hommes ne voulaient rien savoir de laisser une partie de leur salaire en cas de séparation, même s’ils avaient un bon revenu. Des lois similaires avaient déjà été adoptées par d’autres provinces.

En tant que ministre, je n’ai pas eu le temps de faire avancer beaucoup de dossiers, puisque quand Lucien Bouchard est arrivé, il a fait sauter quatre ministres : moi, Jean Garon, François Gendron et Jean Campeau.

Par la suite, j’ai quitté en 1998. Non pas parce que j’avais perdu mes ministères, mais parce que j’ai toujours pensé qu’on ne doit pas faire une carrière en politique. Je respecte ceux qui le font longtemps, ceci étant dit.

Aussi, j’ai contribué à la construction du Pavillon des Humanités de l’UQAC. J’ai travaillé le dossier avec Claude Ryan. Le président du Conseil du trésor refusait la construction. Avec l’aide de Pauline Marois, qui a mis sa démission sur la table, j’ai pu le convaincre d’aller de l’avant.

Pendant ces 13 années comme élue, qu’avez-vous apprécié le plus?

Le travail en comté, bien sûr. Là, tu travailles avec de vrais résultats. Il y a aussi les commissions parlementaires qui permettaient de faire avancer des choses.

Mais la Chambre, c’était un show. Un spectacle. Ça n’a aucun effet, sinon de visibilité. Il ne se règle rien en Chambre.

En revanche, dans les comtés, vous avez de tous les dossiers. Essayez de les imaginer. C’est un confessionnal. Il y a de tout. À chaque fois, plutôt que d’expliquer aux gens comment faire, je leur montrais la démarche pour régler leur problème. À devenir plus autonomes. Car dans bien des cas, ce sont des problèmes avec des fonctionnaires.

Vous avez déjà mentionné que vous ne retourneriez jamais en politique de nos jours, notamment en raison des réseaux sociaux? Pourquoi?

Parce que les gens peuvent dire tout et n’importe quoi sur tout le monde impunément. Il n’y a pas de contrôle. Je ne vais jamais là-dessus, je ne mets rien là-dessus, je ne texte pas. Rien. Zéro.

Les gens peuvent être d’une grossièreté qu’ils n’oseraient jamais dire en pleine face. On associe cela beaucoup au courant Trump, mais il ne l’a pas créé. Le courant existait déjà. Il l’a cependant renforcé. Il a libéré la parole de ces gens-là. Il a libéré les gestes aussi. D’où l’assaut au Capitole.

Les médias sociaux ont des travers incroyables. Sur Internet, on peut apprendre à fabriquer une bombe, à se suicider… Tout!

De plus, tous les écrits restent!

Comment voyez-vous l’avenir du Québec?

L’avenir du Québec m’inquiète. Cependant, l’idée de l’indépendance restera. Le désir d’indépendance pour la société québécoise va toujours rester. C’est inscrit. Le corps humain et le corps social, ce sont des corps. Très jeune, un enfant veut apprendre à faire les choses toutes seules, mettre son manteau, ses souliers… C’est la même chose pour le corps social.

Je crois tout de même que ça va prendre un évènement déclencheur pour que ça puisse se réaliser…

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